Exposition 2015 à la CULTUREINSIDE. gallery - Gallery news about the exhibition in 2015
Fidèle à la CultureInside gallery, l’artiste parisien Thierry Bruet revient pour la seconde fois nous présenter ses huiles exceptionnelles à la maîtrise technique ébouriffante. Non seulement le peintre manie le pinceau avec le talent d'un maître ancien mais il est également doté d’un esprit très fin et d'un humour corrosif.
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Thierry Bruet, qui est de la trempe des créateurs transgressifs, affectionne dans sa facture à user de la satire afin de nous démontrer que l'art contemporain est un miroir de notre monde en déliquescence. En effet, souvent il se fait champ où l'on dénonce, où l'on se moque de la société de consommation, où l'on déboulonne le pouvoir, où l’on narre toute l'absurdité de notre piètre condition humaine. Les événements même les plus tragiques y sont traités avec une certaine légèreté, une douce provocation . Les calembours visuels sont légion, tout comme l'hyperbole ou le grotesque. Mc Carthy ou Yue Minjun s'y attellent avec jubilation.
Nonobstant, il faut raison garder. Derrière cette effervescence créative et débridée de désublimation de l'oeuvre par l’humour se cache, tapie dans l’ombre, la logique capitaliste, celle du marché du divin art qui, d'un coup de liasses de billets verts, peut renverser la manoeuvre. Alors, la pesanteur, le snobisme et l'argent roi parfois foulent aux pieds l’autodérision des artistes, imposent des ridelles et des normes. Thierry Bruet ne se gêne pas justement pour mettre un bon coup de pied dans la fourmilière et à piquer au vif les travers du marché de l’art.
Par exemple, sa géniale et monumentale oeuvre «Les collectionneurs» (2012) nous laisse voir de vieux bourgeois, assis sur un sofa design aux lignes pures, en train d'admirer avec envie, à l’instar des gourmandes devant la vitrine de chez Ladurée, une toile dont nous ne voyons que le revers. Autour d'eux trônent de nombreuses peintures néo-expressionnistes qui nous évoquent la facture de Basquiat. Sur un de ces tableaux, nous lisons «1 million yen » . La morale de Bruet est alors plus qu'éloquente : l’argent sert de mètre-étalon pour évaluer les artistes.
Humour et élégance
Il est ainsi Bruet, peintre bicéphale qui use allègrement d’ironie, d'un savoureux humour iconoclaste et en même temps fait preuve d'une maîtrise inouïe de la peinture à l'huile, laquelle nimbe ses oeuvres d'un raffinement et d'une élégance à couper le souffle.Dans les espaces de la Culture InsideGallery et dans ceux de l’hôtel Cravat se déploient des oeuvres où l'artiste assurément nous gâte. Ses nouvelles pièces telles la «Dora Desnuda», «Callipyge», le sublime et mortifère «Chaos» ou l'ancillaire «Grande lessive», sont de jubilatoires revisitations d’oeuvres iconiques de grands maîtres. Des confrontations incongrues aussi belles que la rencontre fortuite sur une table de dissection d'un parapluie et d’une machine à coudre pour citer Lautréamont. La «Maja Desnuda» de Goya devient Dora Maar au visage picassien.
Il n'hésite pas non plus à investir le champ pictural du somptueux nu au divan de Boucher pour une mise en abyme, un tableau dans le tableau qui nous laisse voir le corps pléthorique du personnageféminin des «Bénéfices du Sommeil» de Lucian Freud. Dans «Chaos», c'est au Guernica de Picasso de veiller sur un charnier alors que le «Balcon» de Manet est prétexte dans la «Grande Lessive» à un étendage de sous-vêtements où souffle un léger vent Pop-art. Rembrandt quant à lui pose dans son atelier où trône le triptyque de l'homme qui rit de Yue Minjun. Ailleurs, «Les demoiselles d'Avignon» de Picasso deviennent celles de Toulouse…Lautrec.
En somme, ces confrontations anachroniques ont quelque chose d'absolument euphorisant. Non seulement Thierry Bruet nous démontre sa belle technique mais il nous livre des oeuvres attachantes, drolatiques dans lesquelles il est souvent question de la fatuité, de l'orgueil mal placé, de la bêtise et de la vanité de l'existence humaine. Indubitablement, l’artiste aime à titiller nos petits et grands travers en puisant ses références dans l'histoire de l’art. Cependant, ses emprunts et ses confrontations sont à appréhender comme un hommage plein d'empathie aux maîtres anciens.
Nathalie Becker, historienne et critique d'art
Luxemburger Wort, 2 juin 2015